Extrait d'André Martinet, linguiste, 1969, Le français sans fard :
"Peut-on dire d'une langue qu'elle est belle?
Rien n'est plus étranger au linguiste contemporain [...] que la question de savoir si cette langue est belle ou laide.
Sur la base d’un examen même sommaire du problème, on peut poser comme un fait que la plupart des jugements esthétiques portés sur les langues sont conditionnés par tout autre chose que par les qualités intrinsèques de ces outils [...]
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Ils se fondent en fait sur les sentiments qu'on éprouve pour la nation qui fait usage de la langue en cause, sur la nature des contacts qu'on a établis avec ses usagers, sur le gout que l'on a pour le pays où on I'a entendue, sur l'attrait de la littérature dont elle est le support, attrait qui résulte, surtout dans une langue étrangère, plus de la substance du message que de la forme particulière qu’il revêt dans cette langue. […]
(bla bla bla, longue explication une quinzaine de pages….)
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@tract_linguistes Très intéressant ! Je me pose beaucoup de questions (peut-être plus sociologiques que linguistiques) sur le sentiment de beauté d'une langue : est-ce que tout le monde aime sa propre langue, notamment ? Je vais lire ce livre, merci
@jastrow ce sont des questions sociolinguistiques.
Le livre de Martinet ne répond pas du tout à cela, c'est un livre qui voulait attirer l'attention sur le fait que la langue française telle qu'on la pratique ne ressemble pas à la représentation qu'on en a, et donner envie de s'intéresser à sa description plutôt qu'à des fantasmes. Le chapitre cité est une argumentation générale.
Tout le monde n'aime pas 'sa' langue, et la majorité des humains apprennent d'emblée deux ou trois langues 1/2
@tract_linguistes
sur cette majorité des humains qui apprend d'emblée plusieurs langues: s'agit-il surtout des pays plurilingues ? (je pense au discours qu'on entend en Europe qu'on ne pourrait pas apprendre bien deux langues étant enfant)
@tract_linguistes @jastrow su ça, @antoinechambertloir, je ne remercierai jamais assez ma mère de n'avoir pas suivi les préconisations des autorités en #Suisse italophone (fin '70 et '80) contre le #dialecte: "Parlez italien à la maison sinon vos enfants ne maîtriseront jms l'italien". Grâce à ma maîtrise du dialecte pas de problème de prononcer les ü et ö du français, qu'aujourd'hui je maîtrise. Et je peux fièrement dire que je parle 5 #langues... et 1 dialecte :-) 1/2
@tract_linguistes @jastrow @antoinechambertloir et grâce au fait que ma langue maternelle est l'italien/dialecte, c'est bcp plus facile pour moi que pour les francophones de savoir comment accorder certains verbes, si un mot se termine en "é" ou "er", "é" ou "ée", etc. --》 il me suffit de vite traduire en italien dans ma tête et j'ai la BONNE réponse
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@tract_linguistes @jastrow @antoinechambertloir Pour info, c'est le numéro L04 "mon" dialecte (famille des #dialectes lombards):
https://pcd.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Mappa_Dialetti_lombardi.svg
@cdb_77 @jastrow @antoinechambertloir le lombard est une langue, qui a plusieurs variétés, donc c'est pas un dialecte d'italien.
Vous avez été élevée dans un bilinguisme italien-lombard si on a bien compris
@tract_linguistes @jastrow @antoinechambertloir Langue ou dialecte? La frontière est difficile à tracer (mais ce n'est pas à vous qu'il faut dire ça). Les 3 premières années de ma vie j'ai été élevée pratiquement uniquement en "tessinois de la région de Belllinzona" (c'est précis, là), qui est une variété de lombard. Puis j'ai commencé l'école enfantine... et là, bascule: ma famille me parlait en dialecte et je répondais en italien, jusqu'à ce que je rebascule en bilinguisme...
@cdb_77 @tract_linguistes @jastrow @antoinechambertloir
J'imagine que les linguistes ont de nombreux débats à ce sujet, mais j'aime la distinction très opérationnelle que faisait Claude Hagège : s'il s'agit de variantes "plus ou moins intercompréhensibles" d'un même parler, ce sont des dialectes, s'il s'agit de parlers qui ne sont pas mutuellement compréhensibles ce sont des langues.
C'est discutable, mais c'est fonctionnel.
Avec le temps, des dialectes peuvent diverger au point de finir par devenir des langues distinctes (c'est même sans doute la dynamique ordinaire depuis toujours : embranchements divergents - même si l'histoire et la géographie peuvent conduire à des retours et re-croisements).
Après, OK, il y a parfois des compréhensions de proche en proche : où placer la césure ? OK, il y a des groupes linguistiques que l'on peut qualifier de dialectes les uns des autres sans qu'il soit loisible de définir une "langue de référence" (le suédois et le norvégien sont-ils des dialectes du danois ?, c'est politiquement problématique, disons que ces trois langues sont des dialectes les unes des autres).
Quoi qu'il en soit, quelques parlers italiens sont des dialectes du toscan, mais le sicilien, le lombard ou le sarde sont bien des langues distinctes (et le corse également, qui n'est absolument pas un dialecte de l'italien comme le croient certains français).
@JacquesCaplat @cdb_77 @jastrow @antoinechambertloir la distinction fonctionnelle entre langue et dialecte est théorique, elle fonctionne quand il n'y a pas d'enjeu politique. Ce qui est décisif, c'est le politique et ça arrive souvent.
On aurait pu décider que le serbe et le croate sont des dialectes, mais après une guerre on a décidé que ce sont des langues. On aurait pu décider que le maltais était un dialecte d'arabe, etc.