dana hilliot<p><a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/01/23/sideres-les-quartiers-populaires-perdent-leurs-derniers-emplois-aides_6511168_3224.html" rel="nofollow noopener noreferrer" translate="no" target="_blank"><span class="invisible">https://www.</span><span class="ellipsis">lemonde.fr/societe/article/202</span><span class="invisible">5/01/23/sideres-les-quartiers-populaires-perdent-leurs-derniers-emplois-aides_6511168_3224.html</span></a></p><p>Le délitement de la vie associative en France ne date pas d’aujourd’hui (certes, il y a encore beaucoup d'assos en France, mais l'immense majorité galère, peinent à trouver des bénévoles, et leur financement est plus qu'incertain - leur destin est précaire. De ce point de vue on est bien loin de l'âge d'or des années 80). </p><p>Il faut ici sans doute distinguer au moins deux raisons :</p><p>1. Le triomphe de l’individu néolibéral qui calcule la répartition de son temps d’existence en fonction de son intérêt propre – ou, si l’on préfère, le fait que la valeur de solidarité soit devenue, pour nombre de responsables politiques, d’éditorialistes et d’électeurs/électrices une sorte de mot immédiatement suspect, renvoyant aux idéologies de « gauche ».</p><p>2. Les gouvernances « biopolitiques » néolibérales qui auront abandonné au fil de ces deux dernières décennies le projet des années 80 d’un soutien affirmé aux associations culturelles et sociales (sous la forme de subventions ou d’emplois aidés). Terminé les ministères dédiés exclusivement à la vie associative – leurs dernières versions étaient de toutes façons privées de tout moyen.</p><p>Au fond, le capitalisme néolibéral ne prend même plus la peine de faire semblant de soutenir ce qu’on peut appeler, en forçant un peu le trait, le travail du care, en général, quand il s’agit des associations à but social ou culturel, un travail non-payé ou mal payé. Comme dans la plupart des démocraties occidentales désormais, c’est : démerdez-vous. (aux États-Unis, c'est, sous l'ère Trump : disparaissez !)</p><p>Le motif de cet abandon n’est pas seulement dû au fait, dont on peut aisément se convaincre, que c’est précisément au sein de ces associations que s’élaborent des formes de solidarité, de générosité, d’expérimentations démocratiques même (parfois !), et, plus globalement, d’une éducation “alternative”, tout ce que les néolibéraux conçoivent, à juste titre, comme une menace et un défi à leur propagande.</p><p>Mais aussi, plus profondément, que le capitalisme n’a jamais en réalité considéré que le travail du care devait être payé. Je renverrais ici à Marx relu et développé par exemple par Kathi Weeks, dans cette excellente étude, The Problem with Work : Feminism, Marxism, Antiwork Politics and Postwork Imaginaries, Duke University Press 2011, livre dont je me sens politiquement et philosophiquement très proche. La revendication féministe de la deuxième vague pour la reconnaissance par le Capital (et la société toute entière) du travail non payé des femmes peut être élargie vers le travail du care en général – tout ce qui permet aux gens de vivre mieux et au travailleur de jouir d’une vie à peu près décente (quand il rentre chez lui), à ses enfants (la future main d’œuvre du capital) de bénéficier d’une éducation correcte et en bonne santé, et au citoyen de vivre une vie un peu plus riche que la misère intellectuelle et culturelle à laquelle le condamne le plus souvent son travail salarié (surtout quand il fait partie des classes vouées aux boulots mal payés, précaires et sans intérêt).</p><p>En refusant de continuer à financer le travail (déjà mal payé et chichement concédé en termes de temps de travail) des salariés des associations, le capitalisme néolibéral boucle la boucle en quelque sorte, et en revient aux heures les plus sombres de la « révolution industrielle » dont Marx avait décrit les horreurs (quoique, à l’époque, existait l’œuvre sociale envers les pauvres des instituts religieux, compensation certes assez perverse en soi, mais bon).</p><p>J’imagine que certains esprits au gouvernement auront tôt fait d’envisager de remplacer ces « salariés » précaires du secteur associatif par des « emplois obligatoires » réservés aux bénéficiaires (le mot est peu pertinent pour parler d’un revenu qui vous condamne à vivre sous le seuil de pauvreté) du RSA.</p><p>Bref, prenons du recul encore une fois et sachons reconnaître la logique de l’ennemi – ce n’est là que la version hard du capitalisme, sa version néolibérale décomplexée.</p><p><a href="https://outsiderland.com/danahilliot/de-familiariser-lethique-du-travail-une-lecture-de-max-weber-par-kathi-weeks/" rel="nofollow noopener noreferrer" translate="no" target="_blank"><span class="invisible">https://</span><span class="ellipsis">outsiderland.com/danahilliot/d</span><span class="invisible">e-familiariser-lethique-du-travail-une-lecture-de-max-weber-par-kathi-weeks/</span></a></p><p><a href="https://outsiderland.com/danahilliot/kathi-weeks-the-utopian-demand/" rel="nofollow noopener noreferrer" translate="no" target="_blank"><span class="invisible">https://</span><span class="ellipsis">outsiderland.com/danahilliot/k</span><span class="invisible">athi-weeks-the-utopian-demand/</span></a></p><p>(notons qu’évidemment, toutes les associations ne seront pas soumises au même traitement : il y a des assos qui conviennent, compatibles avec le Grand Récit National Conservateur et Réactionnaire – les habitants de la région Auvergne Rhônes Alpes ont vu comment, sous la gouvernance du sinistre Wauquiez, on a réparti les subventions : les chasseurs et la patrimoine versus l’écologie et le social. Et je crois que d’autres régions ont pris le même train récemment, nos amis des Pays de la Loire par exemple)</p><p><a href="https://climatejustice.social/tags/Care" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Care</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/EthiqueDuTravail" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>EthiqueDuTravail</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/Association" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Association</span></a></p>